Spleen
Je suis assise, là, sur la dernière marche d'un chemin qui m'a souvent chahutée ou blessée. Je ne peux pourtant m'empêcher de le remercier de m'avoir fait grandir. A mes côtés, une femme fabuleuse et un fils magnifique, dont je suis immensément fier, partagent ma vie. Je devrais être heureuse, non? Pourtant j'éprouve de la mélancolie en repensant à ma vie d'homme. J'étais "quelqu'un" parce que j'avais un statut social. Je participais, à mon échelle, à la construction de mon pays! Etre soi dans un monde qui ne vous accueille pas en tant que telle est une nouvelle épreuve. Certes, être enfin soi permet d'être mieux armée pour l'affronter mais ce nouveau combat nécessite de nouvelles forces. Où les trouver après une première partie de vie passionnée? Pourquoi gagner une identité de soi pour perdre son identité sociale? Tout cela pour çà? Je vis un bonheur, parfois proche de l'indécence, aux côtés de ceux que j'aime et pourtant cela ne me suffit pas. Notre monde s'écroule sous le pouvoir de quelques inconscients individualistes et narcissiques, et je ne peux les combattre, même à un modeste niveau. La vie n'est pas simple! Je n'arrive pas à me contenter d'un bonheur égoïste au point que cela me met dans une rage folle lorsque je vois nos abrutis de dirigeants nous enfoncer la tête à coups de langues de bois. Ce même sentiment étrange d'inutilité m'avait déjà envahi lorsque je me suis retrouvée au chômage pour une longue durée. Tout d'abord, on se dit que cela ne va pas durer, puis le temps pesant, vient le doute. Et si j'étais réellement nul? On se sent dépouillé de tout ce qui vous rattachait à la société et on vous regarde comme un exclu du système, comme si toutes vos compétences avaient disparues d'un seul claquement d'Anpe. Pourtant "femme au foyer" est le plus beau métier du monde et sans doute le plus précieux dans notre société mais voilà, les vieux restes de mon éducation de mâle qui se doit d'aller chasser le gibier pour nourrir sa progéniture sont bien encore ancrés en moi! C'est idiot, je sais, mais on n'efface pas une vie sociale masculine d'une simple pirouette. Comment se faire accepter socialement lorsqu'un jour vous êtes d'apparence masculine et le lendemain d'aspect féminin? Comment faire accepter que ces deux êtres n'en forme qu'un seul et unique?
Si ce coup de blues pouvait servir au moins à faire réfléchir les futurs candidates à une vie de transgenre alors je serais soulagée de l'avoir eu. Même si je ne regrette rien et je sais qu'être transgenre n'est pas un choix, je souhaite que celles et ceux qui doutent encore, puissent prendre conscience du chemin qui les attend.
20 janvier 2009